Côte d’Auxerre, Côtes de Beaune, ces noms évoquent « le breuvage cher à Bacchus » ; mais Côte de Pourly ? Et pourtant jusqu’au début du XXe siècle, ce fut un grand vignoble ! |
(la côte de Pourly de nos jours-D.Lopes) |
L'implantation de la vigne en Bourgogne et dans l'Yonne remonte à la colonisation romaine, les premières traces écrites remontent à l'an 312 après J.C., lors de la venue de l'Empereur Constantin à Autun. Dés le XIe siècle, les hermites Girard et Guérin installés à Fontemois (Fontenoy aujourd’hui) introduisent cette culture à Joux.
Le plant de Sacy aurait été rapporté au XIIIe siècle par les moines de l'abbaye de Reigny. Il était largement cultivé dans le département, puisque les cultivateurs s'inquiétèrent régulièrement de sa prolifération et allèrent jusqu'à demander son interdiction en 1782. Il fut également cultivé en Franche-Comté. Son déclin a réellement commencé avec le phylloxera.
Par une charte de 1185, le duc de Bourgogne exempte de toutes servitudes les religieux de Reigny. Il leur accorde en plus la libre circulation de leurs produits sur son duché. Ceci concerne essentiellement les vins qu’ils vendaient et livraient par coches d’eau, de leur port de Reigny jusqu’ à Troyes, Bar sur Seine, Provins, Paris, Rouen, voire même en Angleterre, etc.
L'intérêt pour le vin était double : indispensable pour célébrer les offices religieux et vital économiquement pour les richesses procurées par son commerce.
Très rapidement, pour satisfaire leurs clients, les moines agrandirent leur vignoble. Un acte de la fin du XIIIe siècle, rédigé à Essert, spécifiait qu’en 1291 l’abbaye de Reigny donnait à bail perpétuel une trentaine d’arpents de terre, situés sur le finage d’Essert, à 26 habitants de Joux la ville. Ils étaient tenus d’y planter de la vigne dans les deux ans à venir, d’y apporter tous les soins nécessaires. A partir de la neuvième année, le tiers de la vendange devait revenir à la grange d’Essert, c'est-à-dire à Reigny. Les preneurs pouvaient aliéner et transmettre leur lopin de vigne, mais s’ils mouraient sans héritiers, elle revenait de plein droit à l’abbaye comme bien de main morte. Il n’est pas douteux que c’est par des baux semblables que toute cette Côte de Pourly, ainsi que ces annexes, se couvrirent de vignes. Cet astucieux système permettait d’agrandir le vignoble sans bourse-délié. |
À partir du XVIe siècle, Reigny fit des baux emphytéotiques par lesquels plusieurs familles d’Essert se chargeaient conjointement et moyennant redevance en nature, de cultiver l’ensemble des terres de cette grange. L’épierrage se faisait à la hotte lors du "défonçage" (à la plantation de la vigne) mais aussi lors de piochages saisonniers. Le brassier (journalier) montait sa charge sur le haut du coteau où il constituait un meurger et redescendait avec une charge de terre arable. Les meurgers (ou murgers, mergers) délimitaient les parcelles. Cette technique perdura jusqu’à nos jours. Vestiges, encore visibles, de ce vignoble, un "meurger" couronne le côteau de Pourly et un autre d’une centaine de mètres le divise en deux, à 60m de la route de Joux à Essert, face au chemin de Fontenoy. Bien qu’il n’y ait aucun détail sur Fontemois et Pourly, il est probable que ces granges furent affermées de la même façon. Le vignoble de Pourly subit le même sort que le monastère de Reigny, il fut disséminé à la révolution de 1789, et racheté par les populations riveraines de 4/4 Couchenoire, Pourly, le val de Malon, Joux la ville, Essert, le Val du Puits de Sacy. Son exploitation perdura jusqu’au début du XXe siècle. |
(Les vendanges au XVe siècle - Les Très Riches Heures du Duc de Berry) |
(vestiges de murgers au Val de Malon – D.Lopes)
Joux la ville fut un très grand pays viticole comptant jusqu’à 600 hectares de vigne sur un territoire de 4379 hectares.
A la moitié du XIXe siècle, le bourg comptait environ 1 200 habitants. La population essentiellement agricole et viticole comprenait de nombreux d'artisans : maçons, charpentiers, menuisiers, maréchaux, bourreliers, sabotiers, cordonniers, cordiers, tonneliers notamment.
Dés septembre, les tonneliers du pays étaient réquisitionnés et les tonneaux vérifiés en vue de l'approche des vendanges ;
Il était alors interdit de pénétrer dans les vignes jusqu'au jour fixé par le Ban de vendange. Dés la première journée, vendangeurs et vendangeuses affluaient des pays voisins. Tout le monde se dirigeait vers les vignes. Des voitures chargées de fûts, de cuviers circulaient vers les vignes, dés l’aube.
« Dés le lendemain commençait le tirage du vin blanc, pendant que deux hommes piétinaient le raisin dans la cuve. Le tirage terminé, le marc était conduit au pressoir fixe. Il y en avait au moins sept dans le village, qui fonctionnaient jour et nuit. La redevance au pressoir était payée en nature, un seau d'environ vingt litres par feuillette (136 litres) sortie sous la presse, et un gros quartier de marc. » (Emile Marsigny)
A la fin du XIXe siècle, plusieurs fléaux apparaissent, l'oïdium et le pourridié en 1854 et 1857, le mildiou en 1882 ainsi que plusieurs années consécutives de gel. C'est surtout le phylloxera qui va dévaster le vignoble entre 1886 et 1897.
Puis les guerres de 1870 et de 1914-18 éloignent temporairement ou définitivement les hommes des campagnes, ce qui entraîne le développement d'autres cultures, en particulier la cerise et les céréales grâce aux débuts timides d'une lente mécanisation.
Si ce vignoble avait été reconstitué, peut-être aurait-on assisté à un bouleversement des appellations contrôlées du département. En effet, au début du XXe siècle, certains des vignerons de Joux, notamment du Val de Malon, commercialisaient leur production sur Chablis.
« Mais qui peut savoir ? Comme il faut s’attendre à tout, si la question ne sera pas reconsidérée un jour futur » (G. Heurley).
Danielle Lopes Sources : internet ; wikipedia ; « un grand vignoble disparu », Gaston Heurley ; « Les vignobles de l'Yonne », Ed l'Yonne Républicaine" ; « le bon vieux temps » - Emile Marsigny – Chelles 1934 |